Ma vie s'est remise en route, lentement mais sûrement, avec la tendre lumière du printemps et la chaude caresse de l’été. Je me suis adoucie, j’ai repris chair et parole.
Mes premières expéditions à l’extérieur m’ont conduite au potager. J’y ai retrouvé les légumes de l’oncle Nicolas et les gestes qu’il m’avait appris. Parfois, grand-mère venait à mes côtés cueillir des petits pois ou des haricots pour le dîner. Elle ne posait pas de question, n’exigeait pas de réponse. Elle approuvait seulement mes progrès d’un petit hochement de la tête. Ma blessure cicatrisait. Au bout de six mois, mes cheveux ont repoussé, ils avaient changé de couleur. J’étais blonde, je me retrouvais brune.
À la rentrée de septembre, je suis retournée à l’école. J’avais perdu une année scolaire, mais au village, il n’y avait qu’une classe unique et mon redoublement passa inaperçu. L’instituteur me prit en sympathie et me prêta des livres de la bibliothèque de classe. Il m’encouragea aussi à écrire. Cela me fit un bien fou. Après celui des légumes, je découvrais le pouvoir de guérison des mots.
J’ai commencé un herbier dans lequel je décrivais les plantes et les fleurs que je ramassais lors de mes promenades. C’est ainsi que se dessina mon futur métier d’horticultrice.
Mon père et ma mère me rendaient visite de temps en temps, toujours pressés, toujours contrariés. Ils se plaignaient l’un et l’autre de leur nouvelle vie. Lui ne s’entendait plus avec sa nouvelle compagne, elle ne s’habituait pas à la solitude. On parlait peu de moi. C’était mieux ainsi! J’étais heureuse au milieu de mon jardin, dans mes bois et mes écrits.
C’était étrange! Ce que j’avais vécu au départ comme un désastre, la séparation de mes parents, se révélait finalement un tournant bénéfique dans ma vie. Si j’étais restée en ville, je n’aurais sans doute jamais découvert ce métier qui s’accordait si bien à tout ce que j’aimais! Le destin est malicieux, qui sème sur la route des embûches pour mieux orienter notre chemin. Maintenant je ne me laisse plus prendre aux apparences du malheur. J’attends simplement que s’ouvre un nouvel horizon.
Rosé-Marie est restée immobile tout le temps que Roseline lui conte l’histoire. Elle a gardé la clé dans sa main, sentant le métal tiédir.
Elle sort d’une profonde torpeur, d’un rêve éveillé et murmure d’une voix embrumée:
– C’est une belle histoire, Roseline. Je vous remercie de l’avoir partagée avec moi. Quelle coïncidence aussi! Car je vous dois une confession: Pierre et moi, nous divorçons et je cherche une maison à louer dans le village. C’est la principale raison de ma visite!
1.2. Répondez aux questions:
1. Parlez de l’auteur de cette nouvelle. Savez-vous qu’Anne-Marie Trekker est sociologue?
2. Quels sont les personnages principaux de cette nouvelle?
3. Dans quel but les deux femmes sont-elles venues au cimetière?
4. Qui était plus jeune? Rosé-Marie ou Roseline?
5. Décrivez Roseline: son aspect physique, sa tenue vestimentaire, ses habitudes alimentaires …
6. Repérez les moments-tournants de l’histoire de vie de Roseline.
7. Selon vous, qu’est-ce que le bonheur? Par quoi s’exprime-t-il?
8. Peut-on atteindre le bonheur en suivant certains principes?
9. Comment le texte de ce proverbe chinois fait écho avec celui de la nouvelle:
Si tu veux être heureux une heure, enivre-toi,si tu veux être heureux un jour, tue ton cochon,si tu veux être heureux une semaine, fais un beau voyage,si tu veux être heureux un an, marie-toi,si tu veux être heureux toute ta vie, fais-toi jardinier.
1.3. Donnez l’équivalent français: