LUI. Oui, c’est exact.

ELLE. Vous avez fait une intervention?

LUI. Oui.

ELLE. Alors, que dit votre psychobiologie? L’homme a-t-il envie de changement ou pas?

LUI. (Sombre.). En tout cas, pas avec des femmes telles que toi.

ELLE. Merci, vous êtes très aimable.

LUI. Je dis simplement les choses comme elles sont.

ELLE. Mais si vous dites les choses comme elles sont, avouez donc que votre mariage n’est pas vraiment une réussite.

LUI. Qu’est-ce qui te fait dire ça?

ELLE. Je le vois au ton sur lequel vous en parlez, ou plus exactement ne voulez pas en parler. Du reste, les mariages, en général, sont rarement une réussite. C’est pourquoi, il n’est pas difficile de deviner.

LUI. (Sèchement.). Garde les devinettes pour toi.

ELLE. J’ai mis dans le mille et vous vous emportez.

LUI. Tu te trompes.

ELLE. Je me trompe? J’en suis ravie pour vous… Bon, et comment vivez-vous avec votre épouse qui est une épouse?

LUI. Comme tous les maris.

ELLE. Comme tous les maris? Je vois.

LUI. Qu’est-ce que tu vois?

ELLE. Tous les maris. (Elle déclame, moqueuse.)

« Mes amis vivaient avec leurs belles-mères

Et leurs épouses, portraits crachés des mères,

Les unes trop grosses, les autres osseuses,

Fatiguées et comme la pluie ennuyeuses » …

LUI. (Agacé.). Ne va pas trop loin, quand même, ma vie de famille ne te regarde pas.

ELLE. (Avec ironie.). C’est sacré.

LUI. Sacré ou pas, ça ne te concerne pas.

ELLE. Pourquoi vous vexez-vous? Je n’ai fait que dire des vers. Et en plus, pas les miens.

LUI. Parce que tu en écris?

ELLE. Peut-être.

LUI. (Grossier.). J’étais loin de penser que les putains étaient si romantiques.

ELLE. Pour vous, seules les épouses peuvent être romantiques? Eh bien, je l’ignorais.

LUI. Tu sais quoi? Tu causes trop. Bois et tais-toi, ça vaut mieux.

ELLE. Je n’ai pas envie. Je n’aime pas la vodka.

LUI. Tu comptais, sans doute, sur le champagne?

ELLE. (changeant de ton). Je comptais au moins sur une banale politesse. La politesse d’un homme envers une femme. D’un être humain envers un autre humain. Je ne vous ai pas encore fixé mon prix et vous m’avez déjà traitée de putain. Et en plus, je ne sais pas pourquoi, vous me tutoyez, bien que je vous vouvoie. (Elle se lève.) Je vous dis adieu. Je ne vous embêterai plus. (Elle laisse l’homme, retourne à sa table et s’assoit.)

Pause.

La femme, à sa table, boit son café refroidi avec de longues pauses entre chaque gorgée. L’homme se lève, puis se rassoit, reprend son manuscrit et l’ouvre, mais visiblement le cœur n’y est pas. Repoussant le manuscrit, il se dirige d’un pas décidé vers la femme et commence à s’asseoir près d’elle. La femme l’arrête.

ELLE. Je ne vous ai pas permis de vous asseoir.

LUI. (se redressant). Excusez-moi. (Il recule de deux pas et se rapproche de la table. Très poliment :) Pardon, la place est libre?

ELLE. Oui.

LUI. Je peux?

ELLE. Faites.

LUI. Je vous remercie. (Il s’assoit. Après un bref silence :) Pourquoi êtes-vous partie?

ELLE. De loin, vous me faisiez l’effet d’un intellectuel. Et donc, j’ai décidé de m’éloigner de la même distance. Mais, hélas, l’illusion ne s’est pas répétée.

LUI. Je reconnais que j’ai été quelque peu grossier avec vous.

ELLE. « Quelque peu »?

LUI. Très grossier. Je le regrette.

ELLE. Je suis contente de vous entendre dire cela.

LUI. Qui que vous soyez, j’aurais dû me conduire poliment. Vous avez eu raison de me remettre à ma place. Je ne vous ai pas tout de suite appréciée à votre valeur et je me suis conduit avec vous assez dédaigneusement et avec condescendance.

ELLE. Et moi, j’ai été assez sans-gêne et je le regrette aussi. Il m’est agréable de voir qu’à présent vous vous conduisez comme un vrai homme. Vous pouvez considérer que le conflit est éteint.