Dans les ouvrages de référence courants comme les dictionnaires et les grammaires, la division des mots en espèce ou parties du discours est présentée sans ambages aux usagers, comme si elle allait de soi, comme si elle existait de tout le temps et n’était pas ou plus à discuter. On observe toutefois des tentatives de renouvellement dans quelques grammaires de référence.
Dans la présentation actuelle du Nouveau Petit Robert (1993, mise à jour 1994), Josette Rey−Debove et Alain Rey traitent de tout (objet et contenu du dictionnaire, graphies et prononciations, définitions, etc.), sauf de l’espèce des mots − bien que toutes les entrées du dictionnaire alphabétique soient d’abord identifiées à l’une des neuf espèces traditionnelles. Dans le «Tableau des signes conventionnels et abréviations du dictionnaire», les neuf espèces de mots sont listées en ordre alphabétique («adj.: adjectif»), sans plus (alors que d’autres mots, l’apposition, par exemple, y sont définis). C’est dans le dictionnaire même qu’il faut aller chercher les définitions des mots adjectif, épithète, attribut, substantif, qualificatif, déterminatif, qui font partie du jargon grammatical, à leur place alphabétique respective, comme c’est le cas pour tous les autres mots de ce métalangage.
Celui−ci est également pris pour acquis dans les grammaires de référence du français actuel. Une place prépondérante y est réservée aux parties du discours, et leur division en chapitres, qui suivent un certain ordre habituel, est généralement articulée sur les mêmes huit ou neuf espèces de mots. C’est ce que l’on trouve dans La nouvelle grammaire du français (Dubois et Lagane 1993), par exemple.
Il faut bien dire cependant que les traditionnelles parties du discours, malgré un universalisme apparent, ne résistent pas à une analyse critique: «le jugement est, on le sait, globalement négatif et le discours dominant tourne volontiers au procès» (Lagarde 1988: 93). Les accusateurs sont prestigieux et nombreux (Bloomfleld, Brunot, Hjelmslev, Jespersen, Martinet, Pottier, Sapir, Tesnière, Vendryès, etc.) et les chefs d’accugation sont sérieux et également nombreux. Les critères de la partition traditionnelle sont hétérogènes (soit sémantiques, syntaxiques, morphologiques ou encore logiques), les définitions sont insuffisantes et se recoupent (le nom et le verbe, par exemple, ce dernier étant défini comme un mot d’action), les classes de mots ont une division arbitraire (celle des adverbes en particulier), plusieurs mots participent de classes différentes (comme, que, si, etc.), l’ensemble manque d’une organisation systématique (c’est une énumération, sans logique interne), etc. (Lagarde 1988: 93−112). Il n’est donc pas étonnant que dans quelques grammaires de référence du français actuel l’on assiste depuis quelque temps à des tentatives d’amélioration.
4.2 Des tentatives de renouveau
Le bon usage (Grevisse et Goosse 1993) en est à sa treizième édition. Cette dernière, qui a doublé depuis la première édition de 1936, est maintenant sous la direction du gendre du célèbre grammairien belge, André Goosse − et l’on doit dire que, grâce à lui, elle a atteint des sommets d’excellence. Celui−ci également donné suite, avec autant de bonheur, au fameux Précis (qui aura marqué les écoles depuis 1939), sous le titre Nouvelle grammaire française (1989). Goosse, qui est président du Conseil international de la langue française, et qui s’est appliqué promouvoir les récentes rectifications de l’orthographe française (Goosse 1991), n’est pas étranger ni indifférent grammaire du français contemporain.