a) le sens large ( abstrait) du mot. Ce sont généralement des mots à sens large qui deviennent des outils grammaticaux. Il suffit de rappeler les verbes « être, avoir, faire ». Parmi les substantifs on citera « femme » qui sert à exprimer le genre féminin des substantifs qui ne le forment pas régulièrement (comparez: « poète − poétesse », mais « peintre − femme peintre » ). Les mots « façon », « manière », «air» servent à former les groupes adverbiaux: «d’un air solennel» ( solennelement);

b) la transitivité du mot. En position transitive, où le mot sert à lier deux autres termes, il est particulièrement apte à perdre partiellement son sens pour acquérir une fonction structurale ( la liaison ). Dans « un seau plein » l’adjectif « plein » garde toute sa valeur sémantique. En position transitive, suivi de la préposition de il sert à signifier « beaucoup de » ou bien des relations encore plus abstraites pareilles à celles qui sont exprimées par les prépositions avec, de, à ou par une forme adjectivale: « un panier plein de fruits » (= avec des fruits ).

D’autres adjectifs en position de transitivité se désémantisent également « un pays riche » et « un pays riche en blé », « un homme libre » et « un homme libre de soucis »;

c) la position de redondance. Tout élément sémantique dans la phrase sert à désigner un élément de la réalité. Si celui−ci est nommé, l’élément qui le nomme à nouveau devient superflus et se trouve investi d’une autre fonction, structurale et non sémantique. Prenons la phrase « Il marchait à pas lents ». Le mot « pas » qui désigne l’action que l’on fait en marchant paraît inutile après le verbe « marcher » qui exprime la même idée. Il ne joue donc pas ici ni rôle sémantique ( car il n’apporte rien à l’information de la phrase ), mais un rôle de structure: ce mot permet d’employer l’adjectif « lent » pour caractériser l’action ( au lieu d’un adverbe ). Comparez: Il marchait à pas lents. − Il marchait lentement. Parlez d’une voix calme ( l’idée d’émettre des sons est exprimée deux fois: par le verbe « parler» et par « voix »);

d) la supplétion lexicale et les mots vectoriels. Parfois le sens grammatical est exprimé à l’aide des mots ayant des racines différentes. Ce phénomène s’appelle la suppletion: je vais − nous allons; j’irai − c’est la supplétion morphologique. Mais ce phénomène connaît une plus large extension:



Le passage d’une partie du dix à une autre est exprimé par le suffixe, ou bien par deux racines qui se juxtaposent.

La supplétion lexicale met en évidence la différence entre un lexème (élément du plan de l’expression, forme phonique du mot) et un sémantème (élément du plan du contenu, ensemble de sèmes ou significations du mot ). Les mots « tomber » et « chute » ont un sens général identique, mais ils l’expriment à l’aide de radicaux différents. Ils ont donc les mêmes sémantèmes, mais les lexèmes différents.

Les mots ( surtout les verbes) vectoriels constituent un cas spécifique de supplétion lexico−grammaticale. Ce sont des mots qui désignent la même action (ou le même objet ), mais de points de vue opposés, comme le font l’actif et le passif du verbe:

A précède B et B suit A.

A a vendu sa maison à B et B a acheté la maison à A.

Les phrases décrivent le même événement, mais en prenant pour point de départ

A ou B. De tels verbes servent souvent à exprimer des différences de voix:

Donner ( voix active)

Recevoir ( passive)

Avoir ( état)

Exemple: Avoir mal à la tête ( état ). Donner mal à la tête ( action ).

Donner la possibilité ( voix active = permettre ). Avoir la possibilité ( état = pouvoir ). Recevoir la possibilité de faire qch ( voix passive = être autorisé ). Ces séries de verbes appelés également « verbes conversifs » jouent un rôle important dans les transformations syntaxiques de la phrase.