13. Intitulez ce fragment et faites le devoir !
Les princesses d’abord arrivèrent, puis les duchesses, les marquises et les baronnes ; mais elles eurent beau toutes s’amenuiser les doigts, aucune ne put mettre la bague. Il en fallut venir aux grisettes, qui, toutes jolies qu’elles étaient, avaient toutes les doigts trop gros. Le prince, qui se portait mieux, faisait lui-même l’essai. Enfin, on en vint aux filles de chambre ; elles ne réussirent pas mieux. Il n’y avait plus personne qui n’eût essayé cette bague sans succès, lorsque le prince demanda les cuisinières, les marmitonnes, les gardeuses de moutons : on amena tout cela ; mais leurs gros doigts rouges et courts ne purent seulement aller par-delà l’ongle.
« A-t-on fait venir cette Peau-d’Âne, qui m’a fait un gâteau ces jours derniers ? » dit le prince. Chacun se prit à rire, et lui dit que non, tant elle était sale et crasseuse. « Qu’on l’aille chercher tout à l’heure, dit le roi ; il ne sera pas dit que j’aie excepté quelqu’un. » On courut, en riant et se moquant, chercher la dindonnière.
14. Intitulez ce fragment et faites le devoir !
L’infante, qui avait entendu les tambours et le cri des hérauts d’armes, s’était bien doutée que sa bague faisait ce tintamarre : elle aimait le prince ; et, comme le véritable amour est craintif et n’a point de vanité, elle était dans la crainte continuelle que quelque dame n’eût le doigt aussi menu que le sien. Elle eut donc une grande joie quand on vint la chercher et qu’on heurta à sa porte. Depuis qu’elle avait su qu’on cherchait un doigt propre à mettre sa bague, je ne sais quel espoir l’avait portée à se coiffer plus soigneusement, et à mettre son beau corps d’argent, avec le jupon plein de falbalas, de dentelles d’argent, semé d’émeraudes. Sitôt qu’elle entendit qu’on heurtait à la porte, et qu’on l’appelait pour aller chez le prince, elle remit promptement sa peau d’âne, ouvrit sa porte ; et ces gens, en se moquant d’elle, lui dirent que le roi la demandait pour lui faire épouser son fils, puis, avec de longs éclats de rire, ils la menèrent chez le prince, qui, lui-même, étonné de l’accoutrement de cette fille, n’osa croire que ce fût elle qu’il avait vue si pompeuse et si belle. Triste et confondu de s’être si lourdement trompé : « Est-ce vous, lui dit-il, qui logez au fond de cette allée obscure, dans la troisième basse-cour de la métairie ? – Oui, seigneur, répondit-elle. – Montrez-moi votre main, » dit-il en tremblant et poussant un profond soupir… Dame ! qui fut bien surpris ? Ce furent le roi et la reine, ainsi que tous les chambellans et les grands de la cour, lorsque de dessous cette peau noire et crasseuse sortit une petite main délicate, blanche et couleur de rose, où la bague s’ajusta sans peine au plus joli petit doigt du monde ; et par un petit mouvement que l’infante se donna, la peau tomba, et elle parut d’une beauté si ravissante, que le prince, tout faible qu’il était, se mit à ses genoux, et les serra avec une ardeur qui la fit rougir ; mais on ne s’en aperçut presque pas, parce que le roi et la reine vinrent l’embrasser de toute leur force, et lui demander si elle voulait bien épouser leur fils. La princesse, confuse de tant de caresses et de l’amour que lui marquait ce beau jeune prince, allait cependant les en remercier, lorsque le plafond s’ouvrit, et que la fée des Lilas, descendant dans un char fait de branches et de fleurs de son nom, conta, avec une grâce infinie, l’histoire de l’infante. Le roi et la reine, charmés de voir que Peau-d’Âne était une grande princesse, redoublèrent leurs caresses ; mais le prince fut encore plus sensible à la vertu de la princesse, et son amour s’accrut par cette connaissance.