2.1.5 Le caractère fermé et limité de la série

On a vu que le sens lexical peut se réduire à un seul vocable. Le sens grammatical, par contre, embrasse une large série de mots. Il est donc évident que celui−ci doit être non seulement plus abstrait, mais que pour cette même raison il sera confiné à un nombre d’éléments plus restreint. Si les mots devaient se voir ajouter un nombre très grand de modificateurs grammaticaux, leur emploi dans la phrase et la communication même en seraient entravés. C’est pourquoi si le lexique représente une série illimitée d’éléments, la grammaire est faite d’une série limitée d’éléments. On peut dresser la liste des éléments grammaticaux, alors que pour le lexique cela n’est pas possible. Si les mots constituent des inventaires ouverts (on peut en emprunter à d’autres langues, ou en créer de nouveaux), les éléments grammaticaux constituent des listes fermées (en ne peut pas créer consciemment un élément grammatical).

2.2 La catégorie grammaticale. Son aspect sémantique

Le système grammatical d’une langue est caractérisé par l’ensemble de ses catégories grammaticales, morphologiques et syntaxiques. On parlera surtout ci−dessous des catégories morphologiques.

La catégorie grammaticale représente l’unité de la valeur grammaticale (sens grammatical) et de la forme grammaticale. Pour qu’on puisse parler d’une forme grammaticale dans la langue, il faut qu’une forme s’associe régulièrement avec un sens grammatical déterminé.

2.2.1 La structure interne de la catégorie grammaticale

La structure interne de la catégorie grammaticale est caractérisée par les oppositions et les sous−catégories. Analysons les deux aspects de la catégorie grammaticale.

Résumons les caractéristiques de la valeur grammaticale:

Les oppositions sont la condition nécessaire de l’existence d’une catégorie grammaticale. Là, où il n’y a pas d’oppositions de sens rendues par les formes différentes, la catégorie grammaticale n’existe pas. Les formes qui s’opposent d’après leur sens a l’intérieur de la catégorie grammaticale s’appellent « sous−catégories ». Ainsi le singulier et le pluriel sont des « sous−catégories » de la catégorie grammaticale du nombre.

Remarques: On appelle souvent « catégorie » ce qui est désigné ici par le terme sous−catégorie (la catégorie du singulier, du plus−que−parfait, par exemple). Les oppositions du sein de la même catégorie peuvent être binaires (entre deux sous−catégories) ou multiples (entre plusieurs sous−catégories). L’opposition binaire est la condition minimale de l’existence d’une catégorie grammaticale.

Il y avait trois genres en latin. Cette opposition de trois éléments s’est réduite en langues romanes à une opposition binaire, on compte deux genres en français: masculin et féminin − le neutre s’est réparti entre les deux); mais la catégorie n’en subsiste pas moins: deux formes suffisent pour créer la catégorie de genre.

La catégorie du cas en latin connaissait cinq (ou six) formes. Il ne s’en était conservé que deux en ancien français: le cas sujet et le cas régime, pourtant la catégorie du cas continuait à vivre avec ces deux formes. Après l’élimination d’un des cas (c’était le cas sujet, parfois le cas régime) toute la catégorie du cas s’est trouvée exclue de la langue. La grammaire traditionnelle compte en français quatre sous−catégories de mode: indicatif, conditionnel, subjonctif, impératif.

Des théoriciens sont arrivés à conclure que le conditionnel et l’impératif ne sont pas des modes autonomes, mais des formes spécifiques de l’indicatif. La grammaire théorique maintient donc la catégorie verbale de mode par la seule opposition indicatif / subjonctif.